Assises de la Mobilité : sommes-nous proches d’une révolution ?

Assises de la mobilité

Analyse et interprétation de l’atelier #1 intitulé « Mobilité plus propre – réduire notre empreinte environnementale »

 

 

Alors que des progrès significatifs sont réalisés en termes d’efficacité énergétique des motorisations et de changement des comportements de mobilité, le volume des Gaz à Effet de Serre (GES) émis par le secteur du transport est en constante augmentation depuis 2014.

À long terme, les prévisions réalisées par le commissariat Général du Développement Durable mettent en avant une croissance de l’activité de transport qui devrait se poursuivre jusqu’en 2050.

Premier émetteur de GES, le secteur du transport est responsable de 30% des émissions dont 50% proviennent des véhicules particuliers.

Les effets de ces émissions sur la santé publique sont dramatiques. Il est estimé que près de 48000 personnes meurent de manière prématurée à cause de la pollution atmosphérique (cancers, maladies respiratoires et cardiovasculaires…).

Les aspects humains et financiers font de la mobilité un élément clé de notre société à transformer en profondeur :

« C’est une véritable révolution des mobilités que nous devons opérer, ce qui appelle incontestablement une mise à jour de nos politiques »

 

« Nous devons soutenir la transition vers les véhicules propres (…) Nous devons également mieux les utiliser grâce au covoiturage. Nous devons encourager les mobilités actives ou la multimodalité, et réduire les mobilités subies (…). Réfléchissons ensemble à la manière d’accélérer les initiatives, nombreuses, qui se prennent dans les territoires. »

Extrait du discours de Mme Elisabeth BORNE

Ministre des Transports. Ouverture des Assises de la mobilité,

Le 19 septembre 2017

Des actions immédiatement possibles et bénéfiques, mais jusqu’à présent aux effets limités ?

Agir aujourd’hui est possible, et immédiatement bénéfique.

Possible, car les acteurs de terrains quel qu’ils soient disposent d’un rayon d’actions très large parmi lesquels :

  • Moyens de transport alternatifs non polluants
  • Moyens de télécommunication avancés
  • Système de partage de véhicules
  • Maillage de transport en commun

Bénéfique, car les effets sont immédiat :

  • Baisse de la mortalité liée à la pollution
  • Développement économique lié à la mise en place de moyens de transport alternatifs
  • Diversification du mix énergétique
  • Réduction des dépenses de santé

De fait, plusieurs agglomérations ou territoires ont amorcé cette évolution des schémas de mobilité dès les années 90. C’est par exemple le cas à Rennes ou dès 1998 une flotte de vélos en libre-service avec bornes de fixation était déjà disponible alors que ce type de projet n’était qu’au stade de réflexion dans le reste des agglomérations françaises. Toutefois, leur impact sociétal et environnemental fut toujours limité. À Rennes toujours, le premier contrat de vélos en libre-service attribué à la société Clear Channel fut un échec. Le second contrat confié à Keolis en 2009 a permis de relancer la dynamique sans pour autant que le service soit utilisé à 100%. Rareté des bornes, redondance des moyens de transport en commun, résistance au changement des Rennais : les explications sont multiples et demandent un vrai audit pour optimiser les mesures de demain.

Par ailleurs, les nombreux projets qui ont vu leur mise en œuvre dans les années 2000 partout en France (Métro, Tramway, autopartage…) ont largement contribué à modifier le niveau d’attractivité des villes (dont Bordeaux est le parfait exemple aujourd’hui), mais rarement à faire évoluer positivement l’impact environnemental des agglomérations.

Cela s’explique peut-être par l’expansion des « métropoles » départementales et régionales qui malgré leurs efforts, font face à une croissance rapide de leur population… et donc du nombre de véhicules privés.

Par conséquent, il apparaissait nécessaire à l’état d’accompagner les collectivités dans leur transition afin de :

  • Faire réfléchir les acteurs de la mobilité ensemble pour identifier, définir des solutions viables pour les territoires et créer des synergies environnementales et économiques.
  • Donner les moyens aux différents acteurs de mettre en place des politiques de transitions avec des objectifs clairs et un calendrier national.

L’objectif final est bien d’inverser la tendance en réduisant le volume d’émission des GES.

Un engagement fort de l’état au niveau national et international

À l’international la France s’est récemment positionnée, notamment depuis le mandat de François Hollande, en tant que nation leader de la transition écologique.

Ce fut le cas en 2015 avec le soutien de l’Agenda 2030 du développement durable adopté par les Nations Unies.

2016 fut une année charnière tout d’abord avec l’organisation de la COP21 à Paris en avril puis ensuite avec l’adoption d’un « Nouvel agenda urbain » à Quito en octobre.

Ce positionnement international est transposé en termes de politique nationale avec des objectifs ambitieux fixés dans le Plan Climat présenté par le ministre de la Transition écologique et solidaire en juillet 2017 et dont les mesures balbutiantes devraient trouver un vrai rythme de croisière dans les 2 prochaines années.

Les assises de la mobilité illustre parfaitement la transposition de l’engagement international de l’état à l’échelle nationale.

L’objectif est simple :

Transformer la Mobilité pour la rendre durable

Pour cela, et dans la perspective de la fin de la vente de voiture à gaz à effet de serre d’ici 2040 fixé par le plan climat, plusieurs jalons sont proposés par le groupe de réflexion ayant travaillé sur la réduction de l’empreinte environnementale.

2018 – 2020 : déploiement de zones à faibles émissions

2020 – 2030 : transformation des zones à basses émissions en zones à très faible émission

2030 – 2040 : extension des zones à très faible émission à l’ensemble des territoires

Bien que les termes « Faibles émissions » ou « très faibles émissions » ne soient pas encore définis (ou plus précisément quantifiés), nous ne pouvons que saluer la démarche qui, si elle est payante, devrait transformer en profondeur notre approche de la mobilité.

5 axes de travail pour répondre aux ambitions de la France

 

Axe 1 : Jalonner la transition

Une des premières recommandations du groupe de travail est de jalonner la transition avec une proposition de calendrier notamment pour ce qui est de la mise en place d’itinéraires marchables et cyclables. En parallèle il est recommandé de mettre en place des zones à zéro ou très faible émission via notamment la simplification légale de mise en place de péages urbains.

Cela devrait permettre de créer de l’espace pour les modes de déplacements doux/alternatifs. Toutefois, il est important de souligner que c’est l’équilibre des mesures incitatives/coercitives qui garantira le succès de ces politiques de la ville. La perception d’une mesure de réduction des espaces dédiés aux véhicules de tourisme est trop souvent peu mise en phase d’une augmentation des espaces dédiés aux transports alternatifs. La conséquence est terrible puisque la perception des habitants de ce genre de mesure est souvent proche de la privation de liberté. La fermeture des voies sur berges à Paris en est le parfait exemple.

Axe 2 : Développer la marche et le vélo

Le développement de la marche passe tout d’abord par la réappropriation des voies urbaines par les piétons. Cette réappropriation progressive est à mettre en parallèle avec la réduction de la vitesse des véhicules et l’instauration de plus de zones à circulation limitée au sein des centres-ville qui garantira une meilleure sécurité des piétons.

Le vélo (électrique ou non) est également un moyen de transport fort sous-estimé dans les villes, bien qu’en expansion depuis plusieurs années. La création de parkings vélo, de voies cyclables et de toutes les infrastructures nécessaires garantiront la montée en puissance de ce moyen de transport doux.

Il faut préciser néanmoins que le vélo électrique n’en reste pas moins une vraie problématique à deux niveaux :

  • Son coût élevé, et l’inexistence de moyens de financements (leasings, crédits…)
  • Le recyclage (compliqué ?) de ses batteries.

L’aspect recyclage est d’ailleurs relativement peu évoqué dans les propositions de développement des véhicules électriques ce qui, je l’espère, n’est pas le signe d’une sous-estimation du problème par les collectivités.

 

Axe 3 : Développer les services de mobilité partagés en complément de l’offre de transport existante et faciliter dans certains cas, la démotorisation.

Un des premiers axes de travail est le développement des transports publics, relativement archaïques dans de nombreuses collectivités centrées sur un réseau de bus… très polluants ! Le groupe de travail pointe d’ailleurs du doigt cet aspect et recommande la mise en place de mesures visant au remplacement des flottes de véhicules existant.

Plusieurs réflexions sont également menées sur le covoiturage et le transport professionnel de particuliers, ou l’autopartage. Bien qu’en pleine expansion ces modes de déplacement ne sont encore que très marginaux et représentent une part très minime des trajets effectués en véhicules motorisés.

À mon sens, les mesures évoquées ne sont pas assez en phase avec la réalité comme nous allons le voir pour les deux cas de figure ci-dessous.

Développement du covoiturage

Afin d’augmenter le nombre de trajets effectués en covoiturage, il n’y a pas que l’aspect transactionnel qui doit être pris en compte. Une des principales réticences des utilisateurs de véhicules motorisés à covoiturer provient de la peur de la contrainte : plateformes de covoiturage, dépendance au mobile pour organiser le trajet, détours… autant de petites contraintes qui font de ce mode de transport l’un des plus contraignants.

Le développement du covoiturage ne passe donc pas par un plus grand intéressement financier, mais plutôt par une plus grande simplification de la démarche. Véhicules connectés et intelligents, paiement facilité, lignes de covoiturage sont tant d’axes sur lesquels il est nécessaire de réfléchir afin d’influer fortement et positivement la part du covoiturage parmi les modes de transports actuels.

 

Autopartage

L’autopartage ne se développera pas uniquement grâce au développement des flottes gérées pas les collectivités ou au nombre de places réservées dans les centres urbains. Je reste convaincu qu’il manque une étape dans le processus de transition. Il est très difficile d’un état de propriété individuelle à un état de propriété collective à l’échelle d’une collectivité. La solution est peut-être à chercher dans le développement de flottes semi-privées à l’échelle d’un quartier ou d’un ensemble d’immeubles/de maisons. Ce type de flottes pourrait tout à fait être considéré comme un type d’investissement dont les coûts d’entretiens pourraient être absorbés par le véhicule d’investissement permettant l’achat en commun (et l’entretien) des flottes.

 

Axe 4 : Accélérer le renouvellement du parc de véhicules existant et donner un cap aux nouveaux véhicule tout en maîtrisant certaines incertitudes énergétiques encore existantes

Fer-de-lance de l’industrie française, l’industrie automobile plaide pour le renouvellement rapide du parc afin de limiter le vieillissement des véhicules, et de garantir leur plus grande efficacité énergétique. Bien que cela plaide tant en faveur de l’environnement que des comptes des marques automobiles, il faut toutefois se poser la question de l’impact carbone de la fabrication des véhicules… Même délocalisé, il ne faut pas en négliger le coût environnemental.

De plus, entre la réduction des voies pour les véhicules motorisés, la mise en avant de la marche et du vélo et des transports alternatifs, l’incitation à un meilleur renouvellement des véhicules ne peut être que contradictoire sur le long terme. Il faut avant tout prôner la démotorisation et non la rotation des véhicules émetteurs de GES.

Axe 5 : Faciliter la transformation de la mobilité

La facilitation peut intervenir de plusieurs manières et l’ensemble des mesures proposées par l’atelier de travail font du sens : effort de communication, développement d’indicateurs, création de charte, de labels, facilitation des expérimentations, refonte de la fiscalité… autant de bonnes idées qu’il conviendra d’harmoniser de mettre en place au sein d’une stratégie cohérente à l’échelle des territoires.

 

 

Des engagements, une réflexion et des actions à venir

Il semble que nous soyons sur le bon chemin de la transition écologique en termes de transport. Plusieurs mesures évoquées dans les recommandations du groupe de travail sont pour le moins ambitieuses. Bien entendu, toutes ne sont pas exsangues de critiques, mais le cadre intellectuel existe désormais de façon précise et détaillée. Le lien entre les objectifs de la France et les moyens à mettre en œuvre est tracé, reste à traduire par des actes tant au niveau national que local les orientations du groupe de travail.

Les assises de la mobilité n’amèneront probablement pas une révolution en ce qui concerne la mobilité, mais elle représente la première pierre d’un édifice que de nombreux acteurs devront contribuer à construire dans le respect d’un calendrier qui ne nous laisse pas de place à l’erreur.

 

 

 

L’intégralité des sources est détaillée dans le document suivant :

Synthèse de l’atelier thématique Mobilités plus propre : réduire notre empreinte environnementale, Assises de la mobilité, consultée le 20 décembre 2017.

https://www.assisesdelamobilite.gouv.fr/syntheses

 

 

Les assises de la mobilité : « Lancées en septembre 2017 par Elisabeth Borne, ministre chargée des transports, les Assises nationales de la mobilité se sont déroulées jusqu’en décembre 2017. Cette grande consultation s’est adressée à tous les acteurs du territoire et a permis de préparer la Loi d’orientation des mobilités, présentée au premier semestre 2018.

Réparties sur 3 mois, de septembre à décembre 2017, les Assises nationales de la mobilité visaient à identifier les besoins et les attentes prioritaires de tous les citoyens autour de la mobilité en accordant une attention particulière aux transports de la vie quotidienne, aux zones rurales et périurbaines. Pour cela, usagers, collectivités, opérateurs, acteurs économiques et ONG de l’ensemble du territoire ont été conviés à participer et à faire émerger de nouvelles solutions. Ces Assises aboutiront à la Loi d’orientation des mobilités, présentée au premier trimestre 2018 ». Extrait de la présentation des assises de la mobilité du Ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère chargé du transport

Pour plus d’informations : https://www.assisesdelamobilite.gouv.fr/

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